Tout le monde ne partira pas en vacances en covoiturage
Dès 2014, on parle du tourisme collaboratif comme d’une « nouvelle filière » se constituant en opposition aux acteurs traditionnels. De fait, ces marchés permettent aujourd’hui à certains nouveaux acteurs d’atteindre la rentabilité et approcheraient aujourd’hui une certaine « maturité ». Les taux de pénétration progressent. D’après les calculs de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), les logements proposés par des particuliers via des plateformes numériques représentaient ainsi en 2016, 16% du total des nuitées passées par les touristes en France.
Néanmoins, il serait faux d’en déduire que le tourisme collaboratif a tout bousculé sur son passage et conquis l’ensemble du pays. En effet, d’après l’Observatoire E.Leclerc des Nouvelles Consommations, 1 Français sur 2 n’a jamais eu recours à une pratique collaborative pendant un week-end ou en vacances, y compris de manière ponctuelle. L’échange de services, tel que se faire héberger contre la réalisation de petites tâches (fendre du bois, jardiner, etc), ou la location entre particuliers, ne plaisent pas à tout le monde. Malgré les promesses d’un « tourisme de demain » alternatif, certains freins initiaux persistent, dont celui de la sécurité.
Certains voyageurs sont en effet plutôt méfiants et peinent à recourir à des services offerts par des inconnus. C’est le cas notamment des consommateurs que nous appelons les « Assiégés ». Plutôt contraints financièrement, ils sont connus pour consommer de façon plus sobre et réfléchie. Pour autant, ils sont deux fois moins nombreux que la moyenne des Français à avoir déjà loué un appartement à un particulier sur une plateforme web. L’Observatoire remarque que ces consommateurs expriment une certaine méfiance vis-à-vis de la nouveauté et ressentent un fort besoin de réassurance.
Le tourisme collaboratif, un service comme un autre ?
Selon Philippe Violier, directeur de l’UFR tourisme et culture à l’université d’Angers et rédacteur de l’article « La troisième révolution touristique », le tourisme collaboratif ne conduit pas toujours à plus de partage. Il ne bouleverserait pas réellement la logique toujours actuelle d’un « touriste-client » qui recherche, avec le tourisme collaboratif, une meilleure expérience de consommation pour un coût raisonné. Ainsi, les Créactifs, consommateurs curieux de vivre de nouvelles expériences, utilisent le tourisme collaboratif comme autant de nouveaux moyens leur permettant de personnaliser davantage leurs vacances, tout en respectant leur budget.
Les Changeurs sont quant à eux particulièrement attachés à une consommation éthique et responsable. Aujourd’hui, seulement 23% d’entre eux affirment avoir déjà pratiqué le covoiturage pour partir en vacances.
Ce taux de pénétration demeure faible, signe que le covoiturage, ne répond que partiellement à leurs attentes citoyennes. Plusieurs médias ont également publié des articles sur « les déçus » du tourisme collaboratif. Challenges évoque le « Ras-le-bol d’Airbnb », AirHostsForum recueille les témoignages de consommateurs opposés à Airbnb. Le Monde a publié en août 2017 une enquête révélant qu’une annonce Airbnb sur cinq en France, serait désormais émise par un multipropriétaire.
La structuration du marché collaboratif autour de quelques plateformes leader, s’accompagne de plus en plus de critiques quant à un « dévoiement » des valeurs humaines initialement revendiquées. Le tourisme collaboratif fait aussi l’objet d’une réflexion d’acteurs engagés sur la réalité des impacts sociétaux de ces nouveaux acteurs.
De quoi accélérer une nouvelle recomposition du marché, alors que les acteurs traditionnels du tourisme cherchent toujours plus à répondre aux attentes-consommateurs d’un dit tourisme « différent » ?