Aujourd’hui, quelle est la place des autotests dans la vie des Français ?
« Le phénomène des autotests s’inscrit dans un cadre plus large que l’on a commencé à étudier dans le domaine de la santé : l’empowerment du patient. Ce dernier devient de plus en plus acteur de sa santé, de sa prévention, etc. Les autotests ont donc toute leur place en tant que premiers outils de prévention et de diagnostic. Même s’il est vrai, qu’en terme d’utilisation, en dehors des principaux autotests, il y a une faible connaissance et le recours à ces outils est faible aujourd’hui.
Selon l’enquête que nous avons réalisée, 23% des Français ont utilisé un autotest au moins une fois dans leur vie. On s’approche d’un Français sur quatre, on peut estimer que ce n’est pas mal, mais compte tenu du nombre d’autotests qui existent et de ce qui a pu être fait comme communication, notamment autour du test pour le VIH, cela reste faible. Les gens savent à priori que les autotests existent mais ignorent pour quelles pathologies, où se les procurer et comment les utiliser.
Cette notion d’empowerment existe déjà depuis quatre ou cinq ans. Cela va de pair avec ce qui a pu se passer dans d’autres domaines, comme l’alimentation ou le sport. Des outils numériques ou des outils comme les autotests, de dépistage et de prévention, participent à ce phénomène. Et la santé est aujourd’hui un des derniers domaines où se manifeste cette prise de conscience selon laquelle on est acteur et responsable de soi-même. »
Comment améliorer la connaissance des autotests auprès du grand public ?
« Il y a besoin de la médiation d’un professionnel de santé, comme souvent pour les questions comme celles-là. Pour que l’on devienne acteur de sa santé, il faut qu’il y ait un cautionnement médical, que ce soit le médecin, le pharmacien, l’infirmière, l’aide-soignante, la sage-femme… Et, les professionnels de santé sont de plus en plus favorables à ce que les patients soient mieux éduqués, qu’ils prennent en compte leur santé et des potentiels problèmes qu’ils pourraient avoir. Il est donc vrai que la communication sur l’existence des autotests par le biais d’un docteur en pharmacie, par exemple, pourrait mener à une meilleure connaissance et à une meilleure utilisation. Un Français voit son généraliste entre 4 et 6 fois par an, en moyenne. Cela peut donc passer par un médecin généraliste qui, à l’occasion d’une consultation, peut informer le patient que, par rapport à son âge, son hygiène de vie ou ses données de santé, il pourrait être intéressant de faire l’autotest du diabète, du cancer de la prostate ou du cholestérol. Par ailleurs, les Français sont en moyenne à 10 minutes d’une pharmacie. Les pharmaciens sont donc aussi des points de contact assez fréquents pour la population française. Les professionnels de santé apparaissent ainsi comme des canaux de sensibilisation, de communication et d’information efficaces et peu « coûteux », en comparaison à une grande campagne de communication nationale, par exemple. »
Les Français ont-ils des attentes particulières au regard des autotests ?
« Ils sont nombreux à être favorables à leur commercialisation en parapharmacie sous le contrôle d’un docteur en pharmacie, caution médicale oblige. La disponibilité des autotests dans ce type de canal d’achat offrirait plusieurs avantages, notamment des dépistages plus précoces et plus fréquents, ainsi qu’une rapidité d’accès. L’étude menée nous indique que 79% des Français seraient prêts à acheter leur(s) autotest(s) en parapharmacie sous le contrôle d’un docteur en pharmacie. »
En tant qu’expert, l’étude a-t-elle mis en avant des tendances auxquelles vous ne vous attendiez pas ?
« Par rapport aux enquêtes que nous menons habituellement chez Ipsos sur ces sujets, je pensais que des freins comme la fiabilité des tests serait cités de manière plus importante. Or ce n’est pas le cas. Pour les Français, il n’y a pas de doute majeur quant à la fiabilité de ces autotests, alors que l’on entend régulièrement que « ce n’est pas sûr ». Le discours public est donc bien différent des réponses des Français lorsqu’on les interroge sur ce sujet. Plus de 7 Français sur 10 sont confiants lorsqu’ils achètent un autotest en pharmacie.
Il y a aussi l’urgence que les Français soulignaient sur le fait de faciliter l’accès à un premier dépistage. Il y a une prise de conscience que ce n’est pas un « gadget » qui va permettre d’avoir une information. C’est un outil de sensibilisation, de premier dépistage rapide, de prévention, d’information sur des pathologies graves ou qui peuvent être transmises et grâce auquel on est plus rapidement informé de son état de santé. C’était donc assez intéressant en termes de maturité des Français. Pour ces derniers, il n’est pas non plus question que les autotests se substituent à un diagnostic médical complet avec un professionnel de santé.
Après, il ne faut pas que ces innovations créent une inégalité sociale entre ceux qui pourraient y accéder et ceux qui ne le pourraient pas, pour des raisons économiques ou sociales. Et c’est un risque dans ce contexte de montée en compétence du patient. C’est donc un point sur lequel il faudra rester vigilants. »