Le retour du vinyle dans les foyers français : le succès du vintage ?

Le retour du vinyle dans les foyers français : le succès du vintage ?
Crédits : Rawpixel
Depuis plus de cinq ans, le vinyle a fait son retour en France. S’il est le marqueur d’une consommation de produits vintage qui concerne aujourd’hui, un tiers de Français, il est aussi le révélateur de nouvelles valeurs, ainsi que d’une consommation qui se veut authentique voire alternative par rapport à la manière dont se consomme majoritairement la musique.
Les données et les enseignements présentés dans cet article se basent
sur l’analyse des résultats de l’enquête réalisée en 2017 auprès de 2 000 Français
par IPSOS pour l’Observatoire E.Leclerc des Nouvelles Consommations.

Le retour en force du vinyle

Il est parfois brandi face-caméra par les présentateurs TV qui font la promotion d’un artiste. Il fait souvent partie des objets symboliques, qui matérialisent l’univers graphique d’un artiste et qui sont proposés à la sortie d’un concert ou lors d’un jeu-concours. Lui : le vinyle. En 2017, 40 millions de vinyles auront été vendus dans le monde, pour un marché estimé à 1 milliard de dollars. Une barrière symbolique atteinte seulement une fois dans l’histoire du microsillon, en 1981.

Depuis 2010, les ventes de vinyles sont en effet reparties à la hausse aux États-Unis. En France, cela fait cinq ans qu’elles progressent, notamment à plus de 72% pour la seule année 2016, où un pic à 1,6 million d’unités vendues a été atteint, selon les chiffres donnés par le Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP). Une « anomalie » dans un marché de la musique où la récente dynamique positive observée s’est effectuée avant tout sous l’impulsion des ventes numériques. Celles-ci, qu’il s’agisse du téléchargement, du streaming financé par la publicité ou surtout du streaming par abonnement- aujourd’hui majoritaire, représentent 40% du marché.

Le 22 avril 2017, se tenait partout en France un « Disquaire Day ». Depuis 2008 aux États-Unis et 2011 en France, l’événement est organisé chaque année. Il célèbre les disquaires indépendants mais aussi la musique « physique » et les 33-tours. Son succès autorise à parler d’une tendance structurante : au-delà d’un effet de mode, le vinyle représenterait 20% du chiffre d’affaires des maisons de disques, entre rééditions, coffrets collector et nouveautés.

Une consommation en quête d’authenticité ?

De quoi le vinyle est-il le nom ? Alors que les meilleures ventes concernaient en 2016 Bowie, Renaud ou le célèbre live MTV Unplugged de Nirvana, les consommateurs semblent en tout cas plutôt attirés par le pop-rock (70% des ventes, selon l’organisateur du Disquaire Day, qui évoque des acheteurs principalement entre 18 et 35 ans). Selon Malek, disquaire, le vinyle montre « une volonté de consommer autrement ».

L’engouement pour le vinyle renvoie en réalité, plus largement, à un goût marqué de certains consommateurs pour le « vintage ». Un terme qui peut caractériser différents types d’accessoires et de produits représentant, par la date où ils ont été fabriqués ou par les codes et symboles qu’ils renvoient, la mode d’une époque passée et révolue.

L’Observatoire E. Leclerc des nouvelles consommations montre qu’un tiers tout des Français sont concernés et aiment acheter ce type de produits remis au goût du jour. De grandes disparités existent toutefois entre les cinq familles de consommateurs identifiées par l’étude. Ainsi, seuls 14% des Assiégés, consommateurs les moins perméables aux nouvelles formes de consommation, plébiscitent le vintage. À l’inverse, les Changeurs (consommateurs les plus militants, à 45%) et surtout les Créactifs (marqués par leur intérêt pour une consommation expérientielle voire statutaire, à 55%) s’affirment dans de bien plus grandes proportions comme intéressés par l’achat vintage. Selon Malek, le vinyle est un produit qui plaît car il témoigne d’un univers « musical, esthétique et artistique ».

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Part de Français affirmant « être de moins en moins influencés par les modèles véhiculés par la société ».

L’attrait pour le passé s’avère être un marqueur sociétal déterminant (64% des Français disent s’inspirer de plus en plus des valeurs du passé). Les consommateurs se montrent aussi en quête d’une certaine authenticité, voire d’une vie moins connectée. La « vraie » vie, par opposition à la vie connectée, est investie par trois quarts des Français. Ceux-ci déclarent aussi massivement rejeter les modèles « dominants », ceux véhiculés par la société. Les vinyles peuvent ainsi apparaître comme la matérialisation d’une consommation vécue comme plus authentique car alternative à la culture de masse. De même, l’achat chez des disquaires permet aux consommateurs d’affirmer leurs goûts et de vivre une expérience plus personnelle.

Le vinyle, un produit pour technophiles ?

33%
des Français aiment acheter des produits vintage.

Vintage ne signifie pas nécessairement « produits anciens » : la consommation de vinyles n’est ainsi pas réservée aux nostalgiques d’une époque révolue qui chercheraient à chiner dans les bacs de vieux vinyles. Elle peut en effet également séduire des consommateurs en quête de nouveautés technologiques. Les mots anglo-saxons de « nowtro » (mot-valise entre « now »,  et « retro ») ou de newstalgia peuvent permettre de figurer ce paradoxe entre ancien et ultra-moderne.

Nous observons ainsi une recherche, a priori paradoxale, de produits anciens mais « technologiquement up-to-date et aussi performants que le neuf », comme l’explique le professeur de marketing Alain Decrop. La preuve avec le lancement du premier vinyle connecté, produit par le fabricant historique MPO allié à la start-up Yes It Is : une puce RFID associée au vinyle permet de le pré-écouter, de posséder la version numérique de l’album et d’accéder à des contenus supplémentaires. Le vinyle, peut donc être vintage et moderne à la fois !